40 ans de justice réparatrice au Canada

8 mai 2014

La justice réparatrice au Canada est née d’une expérience à Kitchener (en Ontario) qui s’est déroulée en mai 1974. Pour la 1ère fois, de jeunes contrevenants rencontraient leur victime directe lors d’une rencontre en communauté. David Shantz, à l’initiative des premières rencontres au Québec, se souvient (message en anglais ci-dessous).

Il parle de sa rencontre significative avec Wilma Derksen (dont la fille avait été tuée, et qui avait décidé de visiter les prisons dès 1988) et de l’inspiration reçue d’autres expériences de justice réparatrice en Ontario et en Nouvelle-Écosse.

Comme il travaillait alors comme aumônier de prison fédérale, son défi a été de convaincre et d’oser organiser les premières rencontres détenus-victimes pour des crimes lourds, à l’intérieur de pénitenciers, avec des adultes. Toute une audace pour l’époque.

La 1ère expérience au Québec a eu lieu en 1992 en collaboration avec Debby Martin Koop… puis la création du CSJR en 2001… et aujourd’hui, 20 ans plus tard, la justice réparatrice est de plus en plus reconnue.

Le CSJR tient à remercier David Shantz pour son courage et son audace visionnaire!

Ci-dessous son témoignage en anglais, suivi d’une traduction en français:

Yes, 40 years have passed so quickly. I knew of the experience in Elmira, Ontario (Kitchener is the biggest city app. 10 kms from Elmira) which took place in 1974. Many people refer to it as the beginning of RJ in Canada. I grew up in the Kitchener area and knew the people who initiated the project. The project was unique and continues to inspire many people today.

I began working as chaplain in 1988. By that time Restorative Justice was very active in the other provinces across Canada but Quebec was very resistant to Restorative Justice programs. It was a foreign concept to them. Even with the chaplains I encountered a lot indifference.

Wilma Derksen, whose daughter was murdered in Winnipeg in 1984, was by 1988 very active in visiting prisons. I met her in 1989 at a chaplains conference in Aylmer QC. I attended a conference in Kingston that same year where several leaders of RJ programs shared information about programs that they were doing in the communities.  These activities related to mediation similar to The Elmira  (Kitchener ) Story and conflict resolution.  I did not work in the community so if I was going to be involved it would have to be within the context of the federal prisons.  There were very few activities within the prisons and certainly no Face to Face ( RDV ) activities.

The inmates at Federal Training Centre were impressed with the stories of conflict resolution and we began talk – dream – about doing something within the prison. I could not use the story from Kitchener as an example for the director of FTC because it was not with adult federal inmates. They were juveniles and the crimes were not that serious if we compare them to murders.

Then I read about a program directed by John Howard Society in a provincial prison in Newfoundland with substitute victims. Russell Loewen, the director for the program wrote a report which had been translated into French. I shared this information with the inmates and they agreed that it was a good idea. The victims would not be the actual victims but maybe we could still learn from each other. We invited Russell to come to Quebec and we had a meeting in the FTC chapel with many people, parole officers etc., from several of the Institutions in Quebec.

Together with the director of MCC Quebec , Debby Martin Koop, we presented a project to the administration at the Federal Training Center. It was accepted.  Debby agreed to find the victims and prepare them for the meetings.  We had our first series of Face to Face meetings in the summer of 1992.

There was a core group of inmates involved. They were not sure what they wanted to say. We were not sure either how to direct the program because this was the first time this activity was done in a Federal Institution in Canada.

In time we learned and as we say the rest is history.

David Shantz

***

Traduction française

Eh bien, ces 40 dernières années ont passé à la vitesse de l’éclair !

À l’époque, j’étais au courant de l’expérience qui s’était déroulée en 1974, dans la ville d’Elmira, en Ontario. Effectivement, j’ai grandi dans la ville de Kitchener (Elmira se trouve approximativement à 10 km de Kitchener, qui est l’une des plus grandes villes de la province), et j’ai connu l’équipe de professionnels qui a mis en oeuvre le projet. Plusieurs personnes considèrent d’ailleurs l’expérience d’Elmira comme l’élément précurseur aux actuelles applications de la justice réparatrice (JR) au Canada, et encore aujourd’hui, les événements de 1974 continuent d’inspirer la communauté canadienne.

J’ai commencé à travailler à titre d’aumônier en 1988. À cette époque, les autres provinces canadiennes étaient déjà bien aux faits des concepts de la justice réparatrice. Le reste du Canada avait effectivement déjà établi de nombreux programmes de justice réparatrice, toutefois une certaine résistance émanait du Québec.

La justice réparatrice était étrangère aux Québécois. J’avais d’ailleurs observé à l’époque une certaine indifférence de la part de mes confrères aumôniers à l’égard de ce concept.

En 1989, à l’occasion d’une conférence d’aumônier qui se déroulait dans la Ville d’Aylmer au Québec, j’ai rencontré madame Wilma Derksen. Cette dernière, très active dans les pénitenciers, intervenait auprès de prisonniers depuis le meurtre de sa fille en 1984, au Manitoba (Winnipeg).

La même année (1989) à Kingston en Ontario, j’ai assisté à une conférence qui rassemblait l’ensemble des responsables de programmes de justice réparatrice au Canada. À cette occasion, je me suis familiarisé avec les expériences de travail réalisées par ces différents acteurs dans la communauté. Nombre de ces activités présentaient des similarités avec « l’expérience d’Elmira» de 1974, c’est-à-dire qu’elles constituaient des médiations de type résolution de conflit.

À l’époque, je devais trouver une façon d’implanter les activités et programmes de JR existant là où j’étais impliqué: la prison fédérale. Il existait alors très peu d’activités en milieu carcéral, encore moins des rencontres en « face à face » ou des médiations entre victimes et agresseurs.

J’ai ainsi commencé à partager mes idées et les concepts de la justice réparatrice avec les détenus du Centre Fédéral de Formation (CFF). Impressionnés par les histoires et les succès de la résolution de conflits, nous avons commencé à discuter – rêver – à une mise en œuvre possible au sein du pénitencier.

Je ne pouvais présenter au directeur du CFF « l’expérience de Kitchener », car elle s’adressait à des contrevenants juvéniles ayant commis des délits mineurs et non à des adultes en détention fédérale, qui avaient commis des crimes beaucoup plus graves.

C’est alors que j’ai appris l’existence d’un programme qui impliquait des victimes de crimes apparentés, à Terre-Neuve, sous la direction de la Société John Howard.

Russel Loewen, le directeur de ce programme avait d’ailleurs publié un rapport sur leurs activités, qui a été traduit en français.

J’ai partagé les caractéristiques de ce programme avec les détenus et ils ont conclu que c’était une bonne idée. Les victimes rencontrées ne seraient pas les victimes directes, mais au moins, ils pourraient apprendre quelque chose par l’intermédiaire de victimes de crimes apparentés.

Nous avons donc invité Russel Loewen au Québec, à venir partager avec nous ses travaux et son programme dans la chapelle du CFF, avec des acteurs provenant du milieu carcéral (agents de probations, etc.).

Suite à cette rencontre, j’ai présenté un projet au CFF avec la directrice du MCC (Mennonite Central Committe) Québec, Debby Martin Koop. Celui-ci a été accepté. Debby a commencé à chercher des personnes ayant été victimes, et à les préparer aux rencontres. À l’été 1992, les premiers « face à face» ont eu lieu.

Un groupe de détenus a participé aux rencontres. Ils ne savaient pas exactement ce qu’ils voulaient dire. Nous ne savions pas ce qui nous attendait, et la direction exacte à donner au programme. C’était la toute première fois qu’une telle activité se déroulait au sein d’un pénitencier fédéral au Canada.

Néanmoins, avec le temps et l’expérience, nous avons appris.

La suite des choses appartient maintenant à l’histoire.

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