La série Unité 9 sera de retour sur les écrans le mardi 15 septembre. Une saison 4 très attendue par plus de deux millions de téléspectateurs. Le Centre de services de justice réparatrice est heureux de vous partager cette entrevue inédite avec une de ses membres : Danielle Trottier, la scénariste si appréciée de la série.
D’où vient votre intérêt pour le milieu carcéral? Comment vous êtes-vous préparée avant d’écrire la série Unité 9?
Après plus de 10 ans d’écriture télévisuelle, j’étais à la recherche d’un sujet qui me bouleverse. Mon principal moteur comme auteure, c’est de trouver une charge émotive très importante. Je me suis posé la question: «Quelle serait la pire chose qui pourrait m’arriver?» et ma réponse a été: «être incarcérée».
À partir de cette peur, j’ai commencé à lire sur le sujet et je suis tombée sur le rapport Arbour concernant les événements qui sont survenus dans la prison de femmes de Kingston (1994). J’ai compris que j’avais un sujet extrêmement important et qui méritait d’être exploré.
En tant que femme, j’ai le souci de présenter les femmes de toutes sortes de manières. Je dois avouer que la femme parfaite ne m’intéresse pas vraiment. C’est la femme imparfaite qui est réelle. J’étais pas mal assurée de rencontrer des femmes qui avaient un vécu.
Il n’y a pas tant de choses écrites sur la criminalité au féminin. Tout ce que j’ai pu trouver sur le sujet, je l’ai lu, même le Code criminel et le Code civil. Après j’ai pris contact avec les établissements. Je m’intéressais surtout aux longues sentences, donc aux pénitenciers fédéraux. Cela a été un long processus. Il fallait que je démontre que j’étais sérieuse. J’ai pu alors être en contact avec des personnes à l’intérieur des murs. Là, j’ai rencontré des femmes extraordinaires.
J’optais d’emblée et dès le départ pour le point de vue des femmes qui étaient incarcérées. J’aurais pu partir de celui de la direction, ce qui a été déjà exploré dans le cinéma. Je voulais m’approcher des femmes, je voulais comprendre, savoir pourquoi. J’ai pris contact avec des femmes qui avaient fait de longues sentences et on n’a pratiquement jamais parlé de criminalité, mais de leur vie en tant que femmes abusées, battues, abandonnées.
Je pensais trouver des criminelles et j’ai juste trouvé des femmes qui me ressemblaient. Le crime, c’est un acte, c’est un geste qui a été commis à un moment dans le temps. Une personne, c’est autre chose. Avec Unité 9, je n’ai pratiquement pas parlé de criminalité. J’ai parlé d’elles.
Le factuel «une femme tue son mari», ça fait la page couverture. On finit par oublier le nom de la femme, on parle de «celle qui a tué» alors que c’est beaucoup plus complexe que ça. À force de réduire les humains à ce qu’ils font, on oublie qu’il y a toute une histoire derrière les actions et mon métier, c’est de raconter les histoires. Donc c’est certain que cela allait m’amener derrière.
Comment avez-vous entendu parler de la justice réparatrice? Qu’est-ce que vous en percevez?
Dans ma lecture des directives du commissaire, j’ai vu que la justice réparatrice existait. Ça m’a intéressé, je me suis dit «enfin une solution très humaine à la souffrance engendrée par la criminalité».
Les circonstances ont fait qu’au même moment, le CSJR a invité Paul Doucet, comédien qui joue le rôle de l’aumônier dans la série, à une soirée avec Danielle Chabot, aumônier au pénitencier pour femmes de Joliette. Et quelques épisodes après, nous avions déjà prévu d’aborder la justice réparatrice dans un geste d’une détenue à une autre.
Après ça, j’ai découvert le mouvement, et je trouve que c’est très important de parler de cette dimension-là parce que la souffrance ne s’arrête pas avec une condamnation. Elle demande à être entendue. Quand on se présente devant le juge, c’est pour accuser et punir et non pour comprendre et écouter la souffrance. Le mouvement de la justice réparatrice est très important.
Pourquoi s’enfermer dans la punition et ne voir que ça comme solution? L’approche scandinave sur la délinquance et la justice est intéressante dans ce sens-là. Ce n’est pas la punition qui prime. Quand une personne est en état de détresse au point de commettre un crime, il faut se poser des questions. Au-delà du geste, il y a autre chose. Espérons qu’on reviendra à une société plus humanisée.
Qu’est-ce qui vous a poussé à l’inclure dans votre scénario? Était-ce difficile de le transcrire à la télévision?
Ce n’était pas si difficile, car c’est chargé d’émotions. La justice réparatrice, c’est aller au cœur des choses. Et c’est aussi une des particularités d’Unité 9, d’aller au fond des choses et de les transférer. Les scènes où Steven Picard va dans une rencontre de justice réparatrice où lui-même est une victime alors qu’il est psychologue dans un établissement carcéral. Comme victime, il va en bénéficier. C’est ça qui est difficile à abattre, c’est de croire que ce n’est pas une solution alors que ça en est une. C’est une solution hautement émotive, c’est vrai, mais c’est ça qui fait bouger et avancer. Il fallait vraiment l’amener dans les salons.
Les téléspectateurs l’ont très bien reçu. Nous avons reçu de très bons commentaires. Ça a humanisé le psychologue qui assistait à la rencontre de justice réparatrice, en montrant une partie de sa vie. On a tous une facette cachée, et ça, c’était la sienne, d’avoir été lui-même victime, de ne l’avoir jamais admis et d’être coincé dans cette souffrance qu’il a pu dénouer en faisant une rencontre avec son agresseur. Vous allez me dire «oui, mais vous, vous y croyez». Oui, j’y crois et je ne vais pas écrire le contraire.
Le comédien a adoré ces scènes-là, tout comme celui qui jouait l’agresseur. C’était percutant. Ça a mobilisé presque 3 épisodes, ce qui est énorme à la télévision.
Lors d’une soirée organisée par le CSJR entre Paul Doucet (aumônier à Lietteville dans la série) et Danielle Chabot (aumônier à Joliette, le pénitencier pour femmes), il a été indiqué que la série faisait œuvre de justice réparatrice auprès du public, en permettant de diminuer les préjugés et de rencontrer les personnes, au-delà de leur étiquette de «détenues». Qu’en pensez-vous?
Aller à la rencontre des femmes en détention a abattu mes préjugés. Ce qu’on souhaite, c’est qu’on arrive à ça. Chaque semaine, 2 millions de téléspectateurs attendent l’émission. On lève le voile, on traverse le mur qui nous les cache. Je ne suis pas la réalité, mais j’en suis proche.
Les gens acceptent que dans un parcours de vie, à un moment donné, quelque chose puisse déraper et que cela puisse arriver à n’importe qui. C’est sûr que ça arrive plus facilement à des gens qui sont moins entourés, qui sont plus vulnérables. Ma mission c’est de comprendre et de toucher.
La série 4 d’Unité 9 commence bientôt. Qu’est-ce que vous ressentez à quelques jours de cette rentrée attendue? Quel a été votre état d’esprit lors de la rédaction de celle-ci?
Avec la saison 4, il y a toute une pression qui arrive en raison de l’attachement du public. Il faut constamment faire évoluer les personnages, en faire entrer de nouveaux, amener de nouvelles dimensions. C’est une saison exigeante, car on veut garder l’intérêt de tout le monde, en commençant par les proches, notamment les comédiens. J’ai la chance d’avoir le soutien de ma productrice. Une 4e saison, c’est un vrai défi, car il ne faut pas se répéter. Mais le sujet est tellement riche, je n’en vois pas encore le bout.
C’est ça, notre responsabilité. Quand des personnages sont autant aimés du public, il faut aller encore plus profondément. Le public est conquis, on veut qu’il poursuive sa découverte.
J’ai hâte que la saison débute. Tous les mardis soirs, c’est un rendez-vous. Je suis toujours assise devant ma télévision avec les téléspectateurs, et en même temps sur Facebook et Twitter. C’est important pour moi d’être là au moment où le téléspectateur découvre la suite de l’histoire. Il y a un grand plaisir à être là avec tout le monde.