Quelques échos du café jasette pour nos 16 ans

18 septembre 2017

 

Le CSJR a célébré ses 16 ans de manière originale, en regroupant une quarantaine de personnes d’origines diverses pour un café-jasette à l’Anti-Café sur la rue Ontario.

Découvrez ci-dessous une synthèse de nos échanges sur « Commémoration et réparation, de l’individuel au collectif ».

Un grand merci à Annick Lavogiez, Mathieu Lavigne et Fabien Torres, pour ce résumé et l’organisation de cette soirée.

« Lors de la soirée marquant le 16e anniversaire du CSJR, membres fondateurs, partenaires, amis, bénévoles et curieux se sont réunis pour célébrer, mais aussi pour témoigner et réfléchir autour du thème « Commémoration et réparation : de l’individuel au collectif. »

Animée par Fabien Torres, la soirée a été ouverte par Mathieu Lavigne, qui a raconté son expérience familiale des expropriations de Mirabel. Soulignant la colère qui l’anime encore, de nombreuses années après un évènement qui ne l’a pas directement touché, il s’est questionné sur la mémoire transmise aujourd’hui à son fils qui grandit à Montréal, plus de 30 ans plus tard. Quelle mémoire transmet-il et pourquoi ?

Gerardo Aiquel, originaire du Chili et présent lors des évènements du 11 septembre 1973, aujourd’hui bibliothécaire après avoir longtemps œuvré à L’Entraide Missionnaire, a souligné la difficulté de commémorer et de pardonner des actions sur lesquelles le gouvernement n’a pas fait la lumière ni de retour. Il a d’ailleurs salué Israël pour sa décision, en 1961, de juger publiquement Adolf Eichmann, un criminel de guerre nazi. Pour Gerardo, le devoir de mémoire au Chili est entaché par les tabous et le sentiment d’injustice qui ont marqué et marquent toujours l’histoire du pays.

Suite à cette intervention, l’ancien député bloquiste Osvaldo Nunez a raconté comment il s’est réfugié chez les religieux le matin du 11 septembre 1973 et n’a jamais pu retourner dans son bureau, proche de celui d’Allende.

Ines Marchand a présenté comment elle a mis en place, avec l’organisme Agape pour la Colombie, des rencontres entre enfants-soldats, victimes et membres de la communauté en Colombie pendant de nombreuses années. Les offenseurs comme les victimes n’étaient pas difficiles à recruter et la beauté du processus s’est concrétisée quand des victimes sont revenues participer aux rencontres en tant que membres de la communauté, pour soutenir les autres. Une reprise de pouvoir marquante suivait ainsi la prise de parole.

À partir d’une citation de Roméo Dallaire soulignant « la malédiction du survivant », l’impossibilité d’adoucir la violence, la cruauté humaine, et la difficulté de se souvenir, puis d’Elie Wiesel et son « obligation morale de se souvenir », Pierre Allard nous a offert l’opportunité de réfléchir à la mémoire de l’irréparable, via son expérience au Rwanda. Comment se rappeler, chaque année, chaque jour, des moments où l’être humain a commis le pire ? Comment se rappeler de façon non-destructrice ? Ses questions ont laissé place à l’expérience de Furaha Delphine, aumônier au Rwanda, qui a travaillé avec génocidaires et victimes dans une démarche de réparation. Elle a porté plus de 400 lettres de génocidaires, demandant pardon, à leurs victimes. Une fois la porte de la communication ouverte, les victimes ont parlé, parlé, ont voulu savoir, témoigner, rencontrer les génocidaires pour poser des questions, comprendre l’impossible.

Une autre membre d’Agape pour la Colombie a réfléchi sur l’importance des dates et leur changement de signification lorsqu’elle a raconté comment c’est alors qu’elle fêtait au restaurant son premier anniversaire avec son amoureux qu’ils se sont ­­faits kidnapper pendant 45 jours. Rejoignant l’intervention de Mathieu Lavigne, elle a parlé de la mémoire qu’elle et son mari transmettent aujourd’hui à leur enfant alors qu’elle est dans une démarche de réparation et qu’il est encore dans la colère et la peur.

Jean-Jacques Goulet, ancien coordonnateur du CSJR et des Cercles de Soutien et de responsabilité du Québec, a raconté comment lors d’une rencontre qui se déroulait particulièrement bien entre détenus et victimes, il a souligné la beauté du processus de pardon qui se déroulait devant ses yeux, s’attirant les foudres des victimes qui étaient prêtes à pardonner, mais pas à utiliser le mot « pardon ». La réalité demeure cependant, aux yeux de Monsieur Goulet, que de souhaiter à l’offenseur un nouveau départ constitue un pardon, même s’il n’est pas nommé ainsi par la personne victime.

Grâce à deux femmes qui ont participé aux Rencontres Détenus-Victimes du CSJR, nous avons pu ouvrir une réflexion sur les termes en lien avec le devoir de mémoire : une femme est-elle victime ou a-t-elle été la victime d’un crime ? Quand devient-t-on une survivante ou un survivant ?

David Shantz, cofondateur du CSJR, a mentionné avec justesse le chemin parcouru pour toutes ces victimes qui passent de « victimes » à « survivantes », puis à « bâtisseurs ».

Ces différents témoignages, ainsi que ceux des personnes présentes qui ont pu vivre des processus de justice réparatrice à titre d’ex-victime, ex-offenseur ou membre de la communauté, ont démontré que l’humain est capable du pire comme du meilleur. Il est inspirant de voir comment l’humain peut se relever et, parfois même à défaut de pouvoir guérir ou pardonner, continuer à avancer en utilisant un vécu difficile pour en faire un moteur d’implication envers sa communauté.

Une participante nous rappela en fin de soirée la nécessité de prendre en compte tout type de souffrance. En effet, une rupture, une dispute, un acte de discrimination peut marquer la trajectoire d’un individu autant qu’un crime.

Le comité organisateur souhaite poursuivre la tenue d’autres soirées comme celle-ci autour de thèmes pouvant répondre aux préoccupations de la communauté. Si un sujet en particulier vous interpelle, merci de nous en faire part en écrivant au CSJR. »

 

Découvrez également la vidéo reçue de Thérèse de Villette, une des fondatrices du CSJR, à l’occasion de cet anniversaire, en cliquant ici.

 

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